Manifest de la Réparation

la Création, la Réparation et le « Démonte Café »

Je commencerai par dire : Nous sommes tous créateurs ! Nous sommes tous créateurs au quotidien ! En doutez-vous ? N’êtes-vous pas créatif quand vous préparez votre repas, lorsque vous choisissez les ingrédients ? N’êtes-vous pas créatif quand vous décidez de mettre deux différentes chaussettes ou d’assortir leur couleur avec votre humeur ? N’êtes-vous pas créatif, quand vous vous faites une joie de planter la menthe dans un pot ébréché que vous posez au bord de la fenêtre ? Alors, pourquoi la tendance à se dire que créer, improviser, inventer n’est pas à notre portée ? Les designers, les architectes, les promoteurs, les politiciens, les « experts », connaissent-ils mieux nos besoins, et savent-ils mieux que nous comment y répondre ? Pourquoi leur confier, à eux seuls, le design de nos maisons, de nos objets, la manière de se déplacer, de consommer, de vivre… ? Aujourd’hui, on commence à mettre en doute leur parole lorsqu’on entend les promoteurs vanter les « éco quartiers*», certaines entreprises utiliser le « green washing* » pour se dédouaner d’avoir abîmé la vie et se déculpabiliser pour continuer à le faire, quand on découvre le principe d’obsolescence programmée*, etc. Mais comment créer au service du vivant ? Comment ne pas entraver la vie ? Est-il possible de diminuer l’empreinte écologique de nos actions, de nos créations ? Est-il envisageable de renverser cette tendance et provoquer un impact social et environnemental positif ? C’est possible, car c’est déjà fait ! Nombreux exemples en témoignent, en voici quelques-uns (* plus de détails dans le lexique en fin du texte) :
  • La permaculture*, l’agroforesterie* et les banques de semences* pour proposer des alternatives à l’agriculture intensive dont l’impact sur le vivant s’est avéré néfaste,
  • La sobriété heureuse à la place de la consommation impulsive,
  • Le faire soi-même, et surtout faire ensemble,
  • La réparation à la place de jeter et acheter du neuf en boucle,
  • L’open source, les licences ouvertes CC*et l’éducation populaire*, pour faire circuler les savoirs et les idées,
  • La monnaie locale* pour favoriser une économie locale et équitable,
  • Le foncier solidaire*, ou Community Land Trust (CLT) et les baux de 99ans pour construire des logements à coût abordable, et nettement inférieur au prix du marché,
  • L’habitat participatif* comme piste pour éradiquer la spéculation immobilière,  etc.
C’est quoi la création à impact positif ? Selon l’association Low-tech-lab, la création à impact positif consisterait en un concept technologique simple, réutilisable, réparable, fabriqué facilement et localement, qui préserve l’environnement et la qualité de vie, accessible et convivial, à faible coût mais dont l’effet ne serait pas altéré ni moindre qualitativement qu’un produit High-Tech. (2) Comment faire concrètement ? Voici quelques grands principes, des pistes, pour une création à impact positif :
  • L’Utilité : répondre à un besoin essentiel (2)
  • L’Accessibilité : production, utilisation et réparabilité locales, coût adapté à une large part de la population (2)
  • La Soutenabilité : veiller à l’impact écologique et social à toutes les étapes du cycle de vie, depuis la conception, production, distribution, usage et jusqu’à la fin de vie (2)
  • La Frugalité : en technicité, en énergie, en matières premières, entretien et maintenance.  Cela, ne signifie pas une absence de technologie, mais le recours en priorité à des techniques pertinentes, adaptées, non polluantes ni gaspilleuses, comme des appareils faciles à réparer, à recycler et à réemployer. En réalisation comme en conception, la frugalité demande de l’innovation, de l’invention et de l’intelligence collective. (3)
  • L’équilibre entre performance et convivialité (4)
  • Savoir rester modeste (4)
Alors, après avoir dit tout cela, et pour sortir des généralités, j’ai envie de vous parler d’un sujet concret et local, d’une initiative que nous avons mise en place à partir de janvier 2023 à l’AtelierBE, et que j’ose espérer amusante, enrichissante, et avec un impact social et environnemental positif: le Démonte café. Démonte café, kézako ? Détrompez-vous, rien de destructeur en tête, au contraire, une envie de structurer les choses, d’apprendre, de voir à l’intérieur de ces « boites mystérieuses » que les “experts” ont concocté pour nous, de découvrir leur fonctionnement. Comment se déroule le Démonte café à l’AtelierBE ? Nous vous proposons, le temps d’un après-midi par mois (le troisième samedi du mois), d’entreprendre à démonter les objets (les appareils électroménagers ou d’autres appareils du quotidien, en panne ou cassés).  Décortiquons ensemble les pièces qui les constituent, essayons de comprendre les logiques qui les font fonctionner, scrutons les matériaux utilisés, questionnons leur utilité, éventuellement apprenons à les réparer. Lors d’un « Démonte café », il se peut que les discussions s’amorcent, que certains questionnements trouvent des réponses. Sommes-nous capables en s’entraidant et en partageant les connaissances de comprendre à quoi servent les composants et comment ils fonctionnent ? Pouvons-nous réparer l’objet ? Comment le rendre le plus facilement réparable, plus costaud ? Comment le détourner, lui donner un nouvel usage ?  Comment récréer l’objet avec nos moyens et matériaux à disposition ou récupérés ? Avons-nous besoin de le posséder, ou peut-on faire autrement ?… Et je ne sais pas encore ce qui pourra sortir de ces échanges-rencontres le temps d’un après-midi (tous les troisièmes samedis du mois). Envie de participer à un Démonte café ? L’accès est libre chaque troisième samedi du mois de 16h à 18h.  Apportez un objet à démonter ou participez au démontage des objets que nous avons collectés à la « Petite Recyclerie *» et que nous mettons à disposition.

+++

Pour finir, une affiche comme cadeau : « manifeste de la réparation » à exposer ou juste à lire et s’inspirer pour oser créer ! Car réparer c’est créer ! Bibliographie : (1) Jacques Ellul,  “Le bluff technologique” (1988 ) (2) Association Low-tech lab – https://lowtechlab.org/fr (3) Manifeste pour une frugalité heureuse et créative – https://frugalite.org/manifeste/ (4) Philippe Bihouix –  L’âge des low-tech » : vers une civilisation techniquement soutenable Lexique :
  • L’obsolescence programmée : ensemble de techniques destinées à réduire, lors de la conception d’un produit, sa durée de vie ou d’utilisation, afin d’amener le consommateur à le remplacer plus fréquemment. (selon Larousse)
  • Eco quartiers : http://www.barricade.be/sites/default/files/publications/pdf/2010_les_eco-quartiers_une_fausse_bonne_idee.pdf et “J’ai testé la vie dans un éco quartier” https://www.enlargeyourparis.fr/societe/jai-teste-la-vie-dans-un-ecoquartier
  • Green washing :Le greenwashing, ou écoblanchiment, est un procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation pour se donner une image trompeuse de responsabilité écologique. (selon Wikipédia)
  • Repair café : Nés à Amsterdam en 2009, les Repair Café sont des ateliers de réparation collaboratifs où des bénévoles, partagent connaissances et savoir-faire avec des personnes apportant leurs objets en panne (petit électroménager, ordinateurs, Hifi, vêtements, etc…) afin de les réparer ensemble. (https://www.repaircafeparis.fr/)
  • La permaculture : La permaculture est l’art de créer des écosystèmes humains durables. (https://www.youtube.com/watch?v=73JxENTsW_w)
  • L’agroforesterie : L’agroforesterie est l’association d’arbres et de cultures ou d’animaux sur une même parcelle. Cette pratique ancestrale permet une meilleure utilisation des ressources, une plus grande diversité biologique et la création d’un micro-climat favorable à l’augmentation des rendements. (https://agriculture.gouv.fr/agroforesterie)
  • Banque de semences : La banque de semences est un outil de sauvegarde d’un patrimoine génétique de plus en plus menacé de disparition. (https://www.cbnbl.org/banque-semences)
  • Sobriété heureuse : Parfois prise comme synonyme de simplicité volontaire, consiste à rechercher le bonheur dans l’appréciation éthique pour améliorer la véritable « qualité de vie ». Elle s’oppose donc au discours économique et social dominant au XXIe siècle qui tend à considérer tout progrès technique et développement de la consommation comme des améliorations de la qualité de la vie. (selon Wikipédia)
  • CC créatif commons : Les licences de droits d’auteur et les outils Créative Commons apportent un équilibre à l’intérieur du cadre traditionnel “tous droits réservés” créé par les lois sur le droit d’auteur. (https://creativecommons.org/licenses/?lang=fr-FR)
  • Monnaie locale : Complémentaire de la monnaie officielle, la monnaie locale est utilisée dans le périmètre d’une ville, voire d’une région. La monnaie locale sert en général à développer l’économie locale en favorisant le commerce et la production de proximité. La loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire a donné une base légale aux monnaies locales complémentaires.
  • Communautés apprenantes : L’objectif d’une communauté d’apprentissage est d’augmenter le savoir collectif par l’implication de chaque participant au développement de son savoir individuel (selon Wikipédia)
  • Le foncier solidaire, ou Community Land Trust (CLT) : Souvent constitué sous la forme d’une société de droit privé à but non lucratif, le CLT peut être comparé à un bailleur social qui n’exercerait que dans le domaine du foncier et dont les bénéficiaires seraient à la fois locataires du sol mais propriétaires de leur logement. (https://www.cairn.info/revue-mouvements-2013-2-page-143.htm ) et (https://www.anah.fr/fileadmin/forumhabitat/documents/20170606-Des_community_land_trust_aux_organismes_fonciers_solidaires_point_de_vue_de_CLT_France_Mai_2017-Fiche.pdf)
  • L’habitat participatif permet à des groupes de citoyens de concevoir, créer et gérer leur habitat collectivement, en combinant espaces privatifs et espaces communs pour mieux répondre à leurs besoins, en cohérence avec leurs moyens et leurs aspirations. (https://www.habitatparicipatif-france.fr)
  • la « Petite Recyclerie » de la Pierre Plate à Bagneux. C’est un autre champ d’action de l’association qui permet de se procurer des objets dont on a besoin sans se ruiner tout en réduisant les déchets. (https://bagneuxenvironnement.org/evenement/la-petite-ressourcerie-4/)
Personages et collectifs qui m’ont inspiré dans l’écriture de cet article : Article de Tatjana Zarevski Efremova, salariée de l’association Bagneux Environnement designer et facilitatrice à l’AtelierBE [ fablab au service de la vie ]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *